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Lorsque Edward Dickinson, après avoir refermé ses livres comptables, ouvre avant de s'endormir le registre aérien de son âme, il ne voit qu'une page vierge : rien n'est entré, rien n'est sorti.
« Mon père ne sait rien de mieux que "la vie réelle" – et sa vie réelle et "la mienne" entrent parfois en collision. » Qu'est-ce que la vie « réelle »? Le père et la fille ont là-dessus deux réponses très différentes. Pour le père, la vie réelle est horizontale : on fait venir le train et le télégraphe à Amherst, on signe des contrats, on relie les hommes les uns aux autres, ce qui permet à la richesse de grandir au rythme des échanges. Pour la fille, la vie réelle est verticale : on va de l'âme au maître de l'âme – et pour ça, nul besoin de chemin de fer. On ne commerce qu'avec le ciel, celui qui brille au-dessus de nos têtes comme au fond de nos pudeurs. Dans ce commerce, rien à gagner, juste une sensibilité accrue au sang caillé du Christ sur le poitrail des rouges-gorges, ainsi qu'une compréhension de plus en plus fine, donc douloureuse, des conduites de chacun.
Un jour arrive où plus personne ne vous est étranger. Ce jour-là, terrible, signe votre entrée dans la vie réelle.